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  • Photo du rédacteurErwan Hernot

Une nouvelle culture est nécessaire pour votre équipe hybride !


Il est peut être utile, avant de démarrer ce papier, de se rappeler ce qu'est la culture d'entreprise. C'est l'apprentissage partagé et accumulé par un groupe humain à mesure qu'il résout ses problèmes d'adaptation (environnement externe) et de fonctionnement (interne). Ainsi, ce qui a assez bien fonctionné pour les premiers membres de ce groupe, sera considéré comme valide et, par conséquent, sera transmis aux nouveaux membres comme la manière correcte de percevoir, de penser, de ressentir et de se comporter par rapport à un problème. D'un point de vue anthropologique, cette transmission de croyances (ce qui est vrai/faux), valeurs (ce qui est bien/mal), normes de comportement, se concrétise par un large éventail de signes, symboles, politiques, histoires, etc. Les éléments transmis finissent par être considérés comme allant de soi, des évidences qui disparaissent de la conscience. La culture d'entreprise est précieuse car elle permet, d'une certaine façon, aux nouveaux membres du groupe de s'intégrer plus vite, de gagner du temps. Mais elle bride aussi parfois l'adaptation car les solutions sont appréhendées à l'intérieur de limites cognitives qui la constitue. Rien de neuf sous le soleil, me direz-vous : pourquoi, parler de culture maintenant ?

Parce que c'est le moment. Normalement, il est plus facile de créer une culture ex-nihilo que de la changer une fois que les habitudes et les rituels se sont enracinés. Mais la pandémie a eu un très fort impact sur les pratiques de travail. Elle offre une opportunité, rare dans la vie d'un leader, de transformer la culture. Certains dirigeants réfléchissent à ce à quoi pourrait ressembler une nouvelle façon de travailler dans un monde hybride. Faisons ici un exercice de prospective à partir de l'expérience Covid. La pandémie a remis en question le modèle d'exploitation habituel des entreprises : ira-t-on jusqu'à l'abandon d'une logique d'efficience pour une logique de résilience ? Ce remplacement pourrait avoir des conséquences sur la culture des entreprises. Une enquête Gartner (1) sur le design organisationnel en 2020 a révélé que 55 % des refontes d'organisation des entreprises étaient jusqu'alors basées sur l'hypothèse que la rationalisation des rôles, des chaînes d'approvisionnement et des flux de travail augmentait l'efficacité. Paradoxalement, cette recherche obsessionnelle d'efficacité peut créer des fragilités révélées par les conséquences de la Covid-19 : les systèmes n'ont alors aucune flexibilité pour répondre aux perturbations telles que des interruptions dans les chaînes de valeur. Les organisations résilientes sont mieux en mesure de réagir — de corriger rapidement le cap. Ainsi au coeur de la pandémie, les managers qui ont réussi, n’ont pas cherché à tout contrôler ni à tout diriger. Ils ont accepté l’incertitude. Ils n’ont pas jugé absolument indispensable de savoir où ils allaient pour pouvoir y aller. Ces situations nous emmènent vers une culture où beaucoup de choses restent floues, à la charge des managers et des équipes. Des managers ont conduit des programmes d'innovation "ascendante" lorsqu'ils ont changé la logique habituelle normée (on fait les choses de la façon prescrite par les processus à un degré de précision absurde) pour aller vers une logique adaptative (on fait les choses selon la situation dans laquelle on est, pour obtenir le meilleur résultat possible) qui leur a permis d'exploiter les idées des acteurs en première ligne et encourager la créativité. Ce changement d'hypothèse pourrait avoir un effet domino : c'est l'avènement de valeurs telles que la libre circulation de l'information (avec le partage des connaissances, la transparence des performances). On donne aux acteurs les éléments nécessaires pour comprendre leur partie grâce à une appréhension du tout, "on leur permet de dépasser les anecdotes pour accéder aux faits" (2). Si l'information détenue est un pouvoir, les acteurs en acquièrent évidemment plus.


Changement de croyances

Comment vont-ils utiliser ce pouvoir ? La croyance prévalant jusqu'à présent chez les dirigeants était la suivante : plus les acteurs sont armés et moins ils accepteront, sans discuter, de faire ce qu'on leur dit de faire. Il faudra compter avec eux et non pas sans eux ou contre eux. Car orienter cette utilisation de leur pouvoir dans un sens positif pour l'organisation n'est effectivement pas chose facile. Armés de ce savoir, les acteurs sont presque capables de décider tout seuls. Durant les confinements, beaucoup de salariés ont prouvé à leur hiérarchie leur capacité à faire en toute autonomie. Une nouvelle hypothèse post Covid pourrait ainsi émerger : le collaborateur n’a pas besoin d’un patron micro-manager. Il possède le sens de son travail, en déduit la planification de sa charge et la motivation à le faire. Cette croyance en propulse une autre : il faut donner davantage d’autonomie aux managers pour qu'ils en donnent à leur équipe. Elle génère de nouvelles valeurs : la subjectivité, le jugement et le bon sens du manager, c'est bien et même mieux que le processus. Ces valeurs conditionnent de nouveaux comportements : il faut remettre les managers au cœur de l’action, avec leurs équipes, au lieu de les laisser concevoir des processus dans d'interminables réunions ;) C'est l'émergence d'une culture de confiance (sécurité psychologique) et de la transparence (chacun a besoin de connaître toutes les informations pertinentes pour son rôle) qui sera un atout dans l'espace de travail hybride. C'est au cœur de cette équipe que le manager anime les prises de décisions. Or, toutes les décisions de management impliquent des arbitrages. C'est-à-dire la nécessité d'équilibrer des problèmes complexes et ambiguës qui génèrent des conflits politiques. Toutes choses égales par ailleurs, ces conflits s'accroissent avec l'augmentation de l'interdépendance, de la diversité, de la rareté des ressources et du contexte hybride de l'entreprise. Ces désaccords sont parfaitement légitimes puisqu'ils cherchent à déterminer ce qui est le mieux pour l'entreprise. Mais il y a des facteurs qui les exacerbent : le développement de coalitions qui sont en compétition ou des périodes de crise organisationnelle. Il y a plus de conflits dans les entreprises où il n'y a pas un méta objectif (3) ou des valeurs supérieures communes à tous les acteurs. Ce n'est pas par hasard que l'intérêt manifesté au leadership (vecteur de culture et porteur de ce meta objectif)) et à la culture d'entreprise continue à croître.


Facteurs de prévention

En tant que facteurs de prévention qui permettent de réduire l'intensité des conflits, ce sont des mécanismes fondamentaux pour gérer la diversité croissante et l'interdépendance, c'est à dire la complexité des entreprises aujourd'hui. Une culture ad-hoc rend possible la transparence et la confiance qui permettent la coopération, plus pertinente que la coordination dans un contexte où tous les membres de cette équipe sont rarement ensemble au même endroit. Comment ? Pour générer la coopération, il faut accepter de se laisser surprendre, donc faire confiance. Il est essentiel de ne pas juger autrui de prime abord. Le jugement immédiat a pour effet d’empêcher celui qui juge de “se mettre à jour”, puisque juger revient à arrêter une décision sur le modèle mental (4) de l’autre. L’effet collatéral est dévastateur. En effet, l'interlocuteur ne va pas s’exposer pleinement, restera sur la réserve et se trouvera probablement lui aussi dans une posture de jugement immédiat sabotant alors la possibilité de coopérer. Différer son jugement permet de libérer autrui et offre la chance de pouvoir se laisser surprendre ; c'est à dire accepter de ne pas savoir et de le montrer… Ce comportement déconstruit une croyance très ancrée. Faire semblant de savoir correspond à une habitude héritée de la scolarité et à la nécessité de donner la bonne réponse, comme s’il n’y en avait jamais une autre. La coopération réduit ainsi les coûts de ces comportements de défense en changeant la façon dont les membres de l'entreprise travaillent ensemble. La coopération n'exige pas de fonctions spécialisées pour la mettre en œuvre, à l'inverse de la coordination. Elle suppose un contact direct entre les parties et la négociation en face-à-face (écran à écran ;) pour les décisions à prendre et la création d'un accord. C'est un ajustement entre des acteurs. La coordination est une mise en œuvre de procédures bureaucratiques derrière lesquels se protègent les tenants d'une logique de moyens ("passez d'abord sous les fourches caudines de mon processus et on discutera"). Dans ce contexte, le manager se révèle moins légitime à dire aux gens ce qu’il y a à faire pour 2 raisons : 1. il n'est pas là et 2. la conformité aux processus est moins pertinente. Il est plus attendu pour éclairer les routes et accompagner la manière dont les collaborateurs vont faire. Managers comme collaborateurs fournissent alors une plus grande quantité de travail collectif ; les missions sont plus chargées de sens qu'elle ne l'étaient auparavant. Chaque acteur détient la réponse à la question clé « Pourquoi ? Pour quoi faire ? ». Les membres de l'équipe sont apprenants, autonomes et agiles, impliqués dans toutes les activités ou presque. Cette plus grande appropriation du travail augmente la qualité des services / produits proposés aux clients. Dans un avenir de travail hybride, les compétences clés recherchées chez les acteurs seront la flexibilité, l'inclusivité, l'accessibilité, la résilience, aider les autres à grandir et la volonté de partager largement ses connaissances. Alors peut-on dire que ces changements de croyance sonnent le glas de la bureaucratie, l’absentéisme, le présentéisme et les silos ? Ce qui est sûr, c'est que si on donne plus de liberté à des acteurs qui ont jusqu'à présent fonctionné sous pression hiérarchique forte et selon des modes opératoires qu’on leur fixait, il est fort probable qu'ils n’assument pas la responsabilité qui va avec. La culture décrite schématiquement dans ce papier est le terreau de l'autonomie. Elle permettra aux salariés, au-delà de leur domaine d’intervention et de compétences, de s’approprier psychologiquement l’entreprise, sa raison d’être, de façon à ce qu’ils acceptent la responsabilité des décisions qu’ils adopteront. Ce processus prendra du temps.


Les suites logiques de ce papier sont :


Formation distancielle : "Devenir manager hybride". Durée :entre 1 et 2 jours.

Webinaire : "Prendre la mesure de l'hybride". Durée : 1h00.

Conseil de mise en oeuvre. Durée sur mesure.

Programme indicatif :


1 Gartner Design Work To Help Employees Be Responsive, 2020

2 François Dupuy Sociologie du changement, 2004

3 Meta objectif : objectif global de l'entreprise sur lequel -normalement- tout le monde se met d'accord.

4 Modèle mental : Un modèle mental est un concept, un système ou une manière de voir le monde qui nous aide à comprendre comment les choses fonctionnent. Source : https://everlaab.com/modeles-mentaux/

Photo : Anna Shvets


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