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  • Photo du rédacteurErwan Hernot

Travail hybride : les leviers de la performance sont en danger


Aujourd'hui, dans les entreprises, à équipement technique égal, la véritable source de l’efficacité réside dans la qualité des relations entre acteurs parce qu'elle autorise la coopération, condition sine qua non d'un minimum de créativité appliquée au quotidien. Depuis quelques temps déjà, les systèmes techniques ont franchi un certain seuil de complexité et la concurrence a obligé les firmes à mettre au premier rang des critères dits « hors coûts », (comme la qualité des produits, la réputation d'une marque, les innovations...). Obtenir un bon niveau de qualité, par exemple, exige cette coopération entre les acteurs concernés. Le type de dialogue qu'elle suppose ne peut pas être coulé dans un modèle transactionnel. C'est à dire un cadre qui exige, du collaborateur en échange d'un salaire, une conformité à des instructions précises basées sur une définition minutieuse des opérations, des tâches, une organisation strictement planifiée. Fort de cet enseignement, Le management a alors pivoté et cherché à prendre appui sur la motivation, l'implication, l'engagement, pour être capable de répondre à des exigences de résultat très fortes. Que sont précisément ces trois piliers de la performance individuelle ? L’engagement au travail se définit comme un état positif, de totale motivation qui persiste dans le temps. Il est caractérisé par des niveaux élevés d’énergie investie dans le travail (ou par un faible niveau pour les salariés désengagés). L'implication se matérialise par une forte adhésion aux buts et aux valeurs de l'entreprise. Le salarié impliqué décide de travailler plus que ce qui est attendu de lui. La concordance entre ses buts et ceux de l'entreprise ressort pour lui de l'évidence. La motivation est d'abord une perception puis une réaction personnelle à l’environnement. Cette réaction consiste à faire un effort et le soutenir jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. Or, à long terme, le travail hybride percute ces piliers de la performance. Dans un tel contexte, comment un manager parviendra-t-il à maintenir (au minimum) la performance au travail tout en préservant le bien-être de ses collaborateurs ? Il va agir sur plusieurs leviers :


  • Distribuer différemment le travail favorise l'engagement. C'est-à-dire dessiner des unités plus cohérentes pour le collaborateur. Le manager veille ainsi à reconstituer dans la mesure du possible des missions à partir de tâches éclatées. Plus le travail est éclaté, plus il est difficile à coordonner pour le manager. Plus il est difficile à comprendre et prioriser pour le collaborateur. Le mode projet et sa notion clé de livrable sont d'une aide précieuse. Le manager fixe alors des objectifs de performance et des échéances à ses collaborateurs dans un esprit de guidage plus que de contrôle.

  • Promouvoir une culture du résultat pour favoriser la motivation : ce qui est important c’est ce qui est réalisé et livré. Cette culture a le mérite de la simplicité. Ensuite, à distance, la seule chose que l’on voit, c’est ce que l'acteur a produit. Le manager hybride ne doit pas se concentrer sur le temps passé à travailler, mais plutôt sur les résultats obtenus par l’équipe. La culture du résultat délivre, d'une certaine façon, les collaborateurs de contingences annexes pour se concentrer sur le principal. Ces libertés sont les premiers pas dans l'autonomie.

  • Réduire l’effet de la distance physique et surtout psychologique générée par le télétravail pour favoriser l'implication. La création d'un sentiment de proximité dépend de deux dimensions sur lesquelles le manager peut agir : l'identité commune de l'équipe et la communication.

    • L’identité n'est commune que si elle est perçu comme telle par les membres de l'équipe. C'est évidemment plus simple lorsque les membres de cette dernière ont un historique… commun. C'est la construction d'un terrain d’entente (apprendre à se comprendre mutuellement, avoir une expériences de la relation avec l'autre). Cette expérience vécue par tous les membres de l'équipe permet de réduire l’incertitude source de méfiance (en prenant appui sur ce vécu, je peux prévoir le fonctionnement de l'autre). Enfin, ce qui aide à renforcer l'identité commune c'est l'intérêt pour le métier. Ainsi, dépasser l'opérationnel immédiat pour parler de l'évolution d'un métier est une bonne façon de renforcer l'identité de l'équipe.

    • La communication se réfère à la fréquence, l’intensité (je m'adresse à vous personnellement avec un message également très signifiant pour vous) et l’interaction (matérialisée par beaucoup d'échanges et de réciprocité). Les trois accroissent le sentiment de proximité. Comme il n'y a pas d'unité de lieu en hybride, les relations en face à face sont en effet moins faciles à organiser. Les contacts ne peuvent s’établir que s’ils sont simultanément recherchés et organisés de part et d’autre. L'improvisation, le face-à-face impromptu n'existent plus. Le nombre de sollicitations à échanger diminue et avec lui, la fréquence de communication. La moindre perception de la communication non verbale, appauvrit les échanges distants. On ne « sent l'ambiance » que lorsqu'on est physiquement présent quelque part. Par exemple, c'est la seule façon de décoder en direct ce qui se passe dans une réunion. Ce sont pourtant ces nuances qui font l'épaisseur et la qualité des relations interpersonnelles. Ajoutez enfin un risque de mauvaise interprétation des messages dans la communication à distance. En effet, l'émetteur ne décode pas le cadre du récepteur (qu'il soit physique ou temporel) et vice-versa. Comment interpréter un silence à distance ? Ces difficultés, propres au travail hybride réduisent le potentiel de mobilisation. Par exemple, la priorisation des tâches à accomplir est moins facilement partagée : la présence physique de tous les acteurs d'une équipe permet de compenser le fait qu'un projet est marginal dans la mission de certains de ses membres. De la même façon, elles compliquent la coordination et la coopération.

Le manager de proximité a donc tout intérêt à renforcer l’identité partagée et améliorer la communication - et ainsi maintenir le sentiment de proximité - malgré la distance physique. Ce qui rend possible la confiance interpersonnelle. Dans une équipe dispersée, ce manager se positionne au centre de l’équipe non comme l'interface unique entre les collaborateurs (dans ce cas : engorgement et épuisement garanti) mais comme un facilitateur d'une production de tous les acteurs, plaçant la qualité de vie au travail comme une priorité. Idéalement, le manager redessine avec son équipe les différentes activités en reconnaissant les suggestions d’amélioration organisationnelles (organisation des réunions, gestion du planning de l’équipe). Cette démonstration de confiance approfondit encore la communication. C'est un cercle vertueux pour solidifier les piliers de la performance.


Les suites logiques de ce papier sont :

Formation présentielle ou hybride ou distancielle : "Devenir un manager hybride". Durée 2 jours (scindée en demi journées pour la formule distancielle).

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