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  • Photo du rédacteurErwan Hernot

Transition managériale : attention au risque d'isolement


Attention à l'isolement du manager
isolement managérial

Traiter de l'isolement dans un contexte de concentration humaine, telle que l'entreprise peut sembler paradoxal. Toutefois, "la solitude ne vient pas de l'absence de personnes autour de vous, mais de l'incapacité de communiquer les choses qui vous semblent importantes" (1). La transition vers le statut de manager est un saut vers l'inconnu qui suppose une capacité à s'entourer afin de prévenir ce risque majeur : l'isolement du néo manager. C'est cet aspect que traite ce papier.


Il y a d'abord les facteurs d'isolement qui paraissent évidents. Ainsi, la distance géographique appauvrit le potentiel échange d’informations et de pratiques. Par exemple, un nouvel outil de fabrication, qui a été mis en place dans une usine, donne de très bons résultats mais les astuces utilisées ne sont pas connues par les autres sites. Par exemple 2, la virtualisation des échanges déploie ses avalanche de courriels, ses innombrables conférence visio, ses serveurs de partage, sa messagerie instantanée etc. Ces outils pratiques utilisés à l’excès et sans méthode, conduisent à l’effet inverse du but recherché : de plus en plus connectés, les gens ne se rencontrent plus en vrai ! Sans parler du cas de membres d’une même équipe travaillant sur différents fuseaux horaires : il devient habituel que les temps des équipes se désynchronisent : on ne travaille ni dans les mêmes temporalités (horaires), ni au même tempo (rythme, échéances).


Viennent ensuite les risques d'isolement spécifiques au manager. Pendant la période de transition (quelques mois après sa nomination), le néo manager se sent perdu car il se retrouve sans groupe de référence clair avec ses repères, qu'il s'agisse de valeurs et/ou de normes. Avant il était un expert technique respecté ; maintenant, il devient un superviseur qui n'a rien prouvé. Il y a une inversion dans la valorisation des compétences sur lesquelles s'appuyer. Il doit apprendre à désapprendre. Il passe en effet, d'un rôle axé sur l'exécution des tâches ( le "faire") à un rôle dédié la gestion des autres (le "faire faire"). Il retire ainsi du haut de la pile, les compétences techniques, qui, très souvent, lui ont permis de prendre le poste de manager pour les glisser, tout en bas de ladite pile. Les compétences comportementales, relationnelles, constituent dorénavant le haut de cette pile. Parions qu'elles ne sont pas vraiment maîtrisées quand le l'équipier devient manager. Il ne mesure pas la dimension de la mission managériale : il peut ainsi tenter de conserver son expertise métier coûte que coûte. Cette mise en compétition, avec les meilleurs éléments de son équipe, assèche souvent leurs potentielles initiatives et frustre le néo managers, conscient de ne pas dédier suffisamment de temps au métier pour maintenir son niveau technique d'avant nomination. D'où une forme d'anxiété qui suscite des sentiments de solitude voire même d'incertitude quant à savoir si le passage au management était - ou pas - la bonne décision. La transition est parfois rude car d'autres facteurs entrent en compte, qui isolent le manager...


Combien de fois ai-je entendu ce type de propos : « Je fais plus ou moins partie de l'équipe de direction maintenant. Le truc, c'est que je ne me sens pas manager Je me perçois toujours équipier. J'ai l'impression d'être dans un no man's land. » Ou encore des propos tels que "Je ne fais plus partie de l'équipe. Quand j'arrive dans un petit attroupement à l'occasion d'une pause, la conversation change quasi immédiatement. Je suis seul." Le néo manager réalise que ses nouveaux collaborateurs adoptent des tactiques pour communiquer avec lui. Il ressent même parfois une certaine animosité ou un une forme de rejet de la part d'anciens collègues. C'est en fait, une distance par rapport au hiérarchique qu'il est devenu. Promu dans son ancienne équipe, il a souvent du mal à passer du statut d'ami ou de collègue à celui de supérieur, en maintenant des relations personnelles positives et en gagnant le respect pour ce nouveau statut. Il doit faire le deuil d'une proximité dans les relations qu'il entretenait jusqu'à présent avec cet entourage. Il est soumis à l’injonction paradoxale sur plusieurs registres : on lui demande d’être socialement responsable, mais en même temps de surtout veiller au résultat. Il reste considéré comme un expert mais on lui enjoint en parallèle de se comporter en leader. Il doit agir en promoteur du changement, sans parfois complètement le comprendre. En tant que manager, il est impliqué dans des décisions confidentielles ou stratégiques qu'il ne peut pas partager avec ses subordonnés. Cela isole davantage, car il ne peut pas discuter librement de certains sujets. Le néo manager exacerbe le problème par son comportement qui cherche à cacher un sentiment d'imposteur directement lié à la crainte de perte de contrôle, laquelle menacerait son autorité. Cette peur le rend hésitant à faire confiance aux autres. Il devient soupçonneux des intentions des personnes avec qui il travaille. Il multiplie les contrôles et/ou privilégie une posture d'autorité qui donne le pouvoir d'agir seul plutôt que de collaborer avec les membres de son équipe. "On est en totale responsabilité de tout ce qui arrive dans l'équipe/département." La responsabilité managériale fait référence à l'obligation et à la capacité des managers d'assumer la prise de décision, la direction et la supervision des activités de l'équipe. Elle implique le devoir d'atteindre les objectifs organisationnels, de gérer les ressources de manière efficace et efficiente, et de répondre aux attentes des parties prenantes. Par ex. vis à vis des employés, le manager est responsable de la performance collective de l'équipe: et du développement individuel de ses membres. C'est à dire fournir des directives claires, établir des objectifs réalisables, favoriser un environnement de travail adapté et veiller à ce que les employés disposent des ressources nécessaires pour accomplir leurs tâches. La pression, liée aux responsabilités, augmente d'autant plus que celles-ci étaient attendues (souvent les managers ont souhaité avoir de l'autonomie, pour l'opportunité de prendre des décisions) mais sont mal appréhendées. La pression modifie les comportements et renforce ce sentiment de solitude. Par manque d'expérience, le néo manager résume l'équation à une charge de travail importante et à des exigences élevées en termes de résultats. Cette perception anxiogène le conduit d'une part à accroître son contrôle souvent maladroit sur les activités de ses équipiers. d'autre part à se protéger en se repliant sur lui même. Beaucoup ont ainsi élevé des murs autour d'eux, sensés leur ménager une protection face à la négativité perçue du travail de management : communication avec l'équipe à un étiage minimum, prise de parole quasi uniquement sur des consignes, transfert de l'angoisse vers les collaborateurs, stratégie d'évitement de ces derniers. Au final, un relationnel endommagé avec l'équipe.


Le pouvoir - même au 1er niveau de management - conduit à une vision différente de la réalité. Lorsqu'un acteur devient manager, il s'éloigne des expériences et des défis quotidiens auxquels sont confrontés ses équipiers. Cela peut entraîner un manque d'empathie ou de compréhension des besoins et des préoccupations de ceux-ci. Le constat s'aggrave en montant les niveaux hiérarchiques et on assiste alors un phénomène d'isolement en cascade. Les dirigeants perdent le contact avec les besoins et les aspirations des managers, ce qui rend difficile pour ces derniers d'établir des relations avec eux. D'où la plainte d'une distance croissante entre les organes stratégiques du management (comité exécutif et cadres dirigeants) et les couches plus opérationnelles (managers intermédiaires et de proximité). Elle se traduit par un manque d’appui de la hiérarchie qui isole en conséquence les managers ! Les dirigeants ne fournissent pas les ressources nécessaires, n'offrent pas de conseils ou ne reconnaissent pas les efforts des managers. Par ailleurs, la dynamique propre du pouvoir aggrave souvent des hiérarchies informelles et des divisions/oppositions dans l'entreprise. Ceux qui détiennent le pouvoir s'associent d'abord avec d'autres acteurs dans la même position ou avec ceux qui peuvent leur fournir d'autres avantages ou bénéfices. C'est alors la formation de réseaux ou de cliques exclusives, qui isolent davantage les dirigeants de la population générale. Lorsque des acteurs détiennent un pouvoir important, il y a souvent une résistance ou une opposition de la part de ceux qui se sentent marginalisés par ce pouvoir. Cette opposition entraîne aussi un isolement pour les dirigeants. La critique ou la réaction négative est perçue comme une tentatives de saper leur autorité. Pour les managers, loin mais spectateurs de ces querelles politiques, plus que d’isolement, on pourrait parler de sentiment d’abandon.


Alors, comment briser l’isolement ? Le manager isolé est un manager peu performant. Quelle serait la première chose à faire ? Prendre conscience de la situation dans laquelle il se trouve. C'est loin d'être évident. Cette lucidité est le fait de quelqu'un capable de se connecter à lui-même. Ensuite, les moyens sont connus : se construire un réseau de pairs (comme un groupe de co-développement), veiller à un usage pertinent des outils de communication : privilégier lorsque c'est adapté (situation complexe), le vis-à-vis synchrone et mieux encore l'entretien en face-à-face. Favoriser les collaborations sous toutes leurs formes, notamment les délégations de tâches ou d'activité. La délégation elle-même oblige à confronter les points de vue. Mais tout cela suppose une forte volonté assise sur le sens attribué au travail. Doté de cette boussole, le néo manager est plus susceptible de s'engager pleinement dans ses responsabilités et de rester engagé. L'engagement lui permet de se sentir plus connecté à son équipe et à son entreprise dans son ensemble. Le sens stimule une communication ouverte et honnête entre les dirigeants, managers et collaborateurs. Lorsque le manager comprend l'importance de son rôle et sa contribution à un objectif commun, il est plus enclin à partager cette vision avec les autres et à collaborer étroitement avec eux. Cela favorise la création de liens plus étroits, renforce la confiance mutuelle et réduit l'isolement en encourageant la coopération. En incarnant une vision claire, le manager non seulement, sort de l'isolement mais encore inspire ses collaborateurs à se sentir eux mêmes plus engagés et connectés à leur travail, ce qui renforce l'esprit d'équipe et crée un environnement de travail plus épanouissant. Bien relié à son entourage, le manager devient alors un modèle de leadership positif.


(1) Cette citation est - en substance - attribuée à Carl Jung, psychiatre et psychanalyste suisse, considéré comme l'un des pionniers de la psychologie analytique.


Photo : freepik




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