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Pour collaborer, il faut commencer par ... se parler

Photo du rédacteur: Erwan HernotErwan Hernot


groupe en dialogue
Se parler c'est - déjà - à moitié régler le problème

L’entreprise n'est pas d'emblée structurée comme un lieu d'échanges. On vient même de loin : le taylorisme qui a inspiré la majorité des organisations, n’a pas été conçu pour faciliter l’apprentissage des salariés. Dans l'environnement professionnel d'aujourd'hui, la dynamique entre les dirigeants et les collaborateurs évolue. Si le mot d'ordre est la "co-construction" : chacun doit participer à la création d'une vision commune et au développement de l'entreprise. Mais comment concrètement mettre en place cette nouvelle approche collaborative ? En commençant par se parler. C'est de cette évidence que démarre ce papier ;)


Commençons par distinguer les types d'échanges. Souvent, nous confondons "discussion" et "dialogue". Avant même de les définir, aucun des deux ne fonctionnera si les acteurs pensent qu'au final, cela servira à étayer des reproches ou formuler des accusations. La discussion, par définition, est orientée vers la persuasion, la défense d'un point de vue ou la recherche d'une solution immédiate, d'une décision. Elle peut devenir rapidement compétitive, chaque participant cherchant à convaincre les autres de la justesse de son point de vue. Il s'agit souvent de défendre ses propres idées et de trouver le meilleur argument plutôt que de créer une compréhension commune d'une situation considérée. Bien que la discussion soit nécessaire à la prise de décision, elle ne favorise pas le même niveau d'apprentissage et d'intelligence collective que le dialogue. C'est un processus ouvert et exploratoire. Il ne vise pas à imposer une idée, mais à créer un espace où les participants mettent de côté leurs hypothèses de départ (ce qu'ils assument comme vrai dans leur analyse d'une situation), leurs jugements, écoutant pour comprendre plutôt que pour convaincre. Ils partagent leurs perspectives, posent des questions et apprennent les uns des autres. En adoptant une posture de dialogue, chacun entrevoit voire comprend le modèle mental de l'autre, c’est-à-dire les suppositions, les généralisations ou les images profondément ancrées qui influencent sa façon de percevoir, d'interpréter le monde et d’agir en conséquence. C'est d'autant plus pertinent que nous ne sommes pas forcément conscients de nos modèles mentaux ou des effets qu’ils ont sur notre comportement. Le dialogue favorise ainsi une compréhension plus profonde et une ouverture au changement. Ce processus permet à l'équipe de puiser dans l'intelligence collective, de découvrir des idées et des solutions qui ne seraient pas possibles individuellement. Il reste que dialogue et discussion se complètent. Par conséquent, chaque interaction doit avoir des objectifs clairs, les acteurs doivent savoir si des décisions seront prises ou non (s’agit-il d’un dialogue ou d’une discussion ?) Certaines entreprises ont, en effet, des échanges qualitatifs d'idées mais ne déclenchent aucune décision pour les mettre en œuvre. Les concepts innovants ne passent pas le seuil de l'exécution : celles/ceux qui les ont émis sont frustrés.

Le dialogue, mené à grand échelle, a le potentiel de transformer la culture d'une entreprise. Il favorise l’apprentissage collectif et l'innovation. A contrario, dans les entreprises où il n’y a pas de dialogue, les décisions sont prises sur la base de données incomplètes et d’informations limitées, par des personnes qui manquent d’expérience ou de connaissances de première main. Les discussions erronées se déroulent dans les bureaux de direction ou avec un cercle fermé de managers, ce qui entraîne des décisions prises sans apport concret. Parce qu'il est non directif, le dialogue permet aux participants d'explorer de nouvelles idées sans se sentir contraints par des attentes préexistantes. Cela permet d'identifier les problèmes de fond et ensuite de co-créer des solutions novatrices. Il s'agit d'encourager les collaborateurs à exprimer leurs idées, leurs préoccupations et leurs suggestions de manière franche. Il devient ainsi un moyen d'apprentissage réciproque et de construction d'une vision partagée. Mais il suppose alors une certaine discipline. Elle implique d’apprendre à reconnaître les schémas d’interaction qui nuisent à l’apprentissage au sein des équipes. Les schémas de défense sont souvent profondément ancrés dans la façon dont une équipe fonctionne et rejette par ex. certaines idées. S’ils ne sont pas reconnus, ils nuisent à l’apprentissage. S’ils sont reconnus et mis en évidence de manière créative, ils peuvent au contraire, l'accélérer. Or, cet apprentissage en équipe est essentiel car ce sont bien les équipes, et non les individus, qui constituent l'unité d'apprentissage fondamentale des entreprises du XXIème siècle.


Pour instaurer un climat propice au dialogue, managers et dirigeants multiplient les occasions de rencontre et d’échange au sein de l’entreprise. Je reprends ici une technique que je trouve efficace parce qu'elle suppose peu de moyens, privilégie le face à face : le "Management By Walking Around" (MBWA) qu'on pourrait traduire par déambulation d'apprentissage. En gros, c'est aller à la rencontre des collaborateurs régulièrement (l'effacement de l'aspect évènementiel facilite un échange plus naturel), à interagir directement avec eux dans leur environnement de travail habituel. Cette rencontre permet aux dirigeants de recueillir des informations de première main sur les processus de travail, les défis rencontrés, et les suggestions d’amélioration. Cependant, pour qu'elles soient vraiment fructueuses, dirigeants et managers doivent prendre quelques précautions dans certaines cultures hiérarchiques comme en France. Le dirigeant intègre le coté intimidant de sa position face au collaborateur et pose des questions ouvertes et indirectes qui n'inhibent pas les réponses. Par exemple, au lieu de demander directement "Pourquoi ce projet prend-il autant de temps ?", il est plus efficace de dire "Quels sont les aspects de ce projet qui demandent le plus d'efforts ?" ou "Comment puis-je vous aider à surmonter les obstacles que vous rencontrez ?". Si d'aventure (rare en France) un collaborateur proteste en disant qu’une échéance particulière imposée par le dirigeant, était « impossible », ce dernier demande : « Pouvez-vous m’aider à comprendre comment vous avez déterminé cette impossibilité ? » ou « Quels sont les éléments qui vous ont amené à conclure que c’était impossible ? » Il évite de commencer ses questions par le mot « pourquoi ». Les questions « pourquoi » mettre les acteurs sur la défensive, ils se taisent alors ou passent en mode discussion – fin du dialogue. En revanche, les formulations plus obliques détournent de la recherche de coupables et orientent le dialogue vers la découverte des causes profondes derrière leurs objections. Les questions ouvertes encouragent donc les collaborateurs à s'exprimer librement, tandis que les questions indirectes montrent une volonté de comprendre plutôt que de juger. Cette approche réduit la peur de la hiérarchie et instaure une relation de confiance.


Pour les leaders, cette approche permet d’obtenir une vision plus claire et plus nuancée des réalités de terrain, d'identifier des problèmes qu'ils n'auraient pas perçus autrement et de découvrir de nouvelles idées et perspectives qui peuvent enrichir la stratégie de l'entreprise. Pour les collaborateurs, ces dialogues francs crée un sentiment d'appartenance et de reconnaissance. Ils apportent de la valeur aux éventuelles solutions, ce qui peut augmenter leur implication au travail. Ces pratiques permettent de construire une vision partagée de l’avenir de l’entreprise. Encore faut-il - évidemment - pouvoir dialoguer. Si les dirigeants continuent d’utiliser des indicateurs de performance qui donnent la priorité de court terme, ceci se fait au détriment du développement moyen/long terme des collaborateurs. On cherche alors moins leur adhésion (ça prend du temps) que la conformité à ce qu'on leur demande. Souhaitons que cette tendance s'efface progressivement pour faire place à ces échanges …

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