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Photo du rédacteurErwan Hernot

On ne manage pas avec des indicateurs financiers mais avec des orientations stratégiques


Seule l'orientation stratégique apporte du sens
Le cours de bourse est un simple indicateur

La conception de la stratégie d'entreprise demeure un effort difficile. Elle implique souvent de naviguer dans un environnement complexe avec de multiples variables, notamment la dynamique du marché, la concurrence, les changements réglementaires et les avancées technologiques. Prendre en compte ces facteurs dans une stratégie cohérente est un défi. C'est pire si on ajoute le facteur temps : l’avenir est par nature incertain ;) Cette difficulté facilite une confusion : utiliser les objectifs financiers de l’entreprise (par ex. "Doubler le chiffre d’affaires d’ici 5 ans tout en maintenant la marge d’EBITDA à 10 %") comme substituts aux objectifs stratégiques (par ex. "Augmenter la présence sur le marché en pénétrant de nouvelles zones géographiques" ou "Augmenter la présence sur le marché en lançant des gammes de produits innovants"). Un objectif financier, en soi, ne donne pas beaucoup d’indications aux troupes, sur la direction à prendre. Il est, en revanche, révélateur d'une faiblesse stratégique. C'est ce qu'explique ce papier.


Les dirigeants de l'entreprise subissent la pression des investisseurs et des autres parties prenantes. Elle se concentre souvent sur la performance financière car celle-ci a un impact direct sur le cours des actions et les rendements. Par conséquent, les entreprises peuvent donner la priorité aux objectifs financiers pour satisfaire les investisseurs et éviter les réactions négatives du marché. En interne, le conseil d'administration, les analystes, les médias sont friands de résultats financiers trimestriels. Le tout aboutit à surclasser les indicateurs financiers au détriment des objectifs stratégiques. Les objectifs financiers tels que la croissance du chiffre d'affaires, les marges bénéficiaires ou l'EBITDA sont facilement mesurables et fournissent des informations chiffrées claires. Cela les rend commode à utiliser pour les dirigeants car ils sont simples à suivre : c'est le cas par ex. des indicateurs de performance à court terme, déjà évoqués : les rapports de résultats trimestriels. Toutefois, seule la clarté stratégique permet un bon alignement des parties prenantes de l'entreprise. Par ex. si la mission d’un transporteur est : « Nous apportons des solutions de transport aérien aux clients ». Sa stratégie pourrait être formulée ainsi : « nous choisissons le créneau des offres abordables et nous adressons un volume important de clients ». Si on part du principe que chaque dirigeant des activités/métiers a compris la stratégie, chacun s’aligne et formule ses propres objectifs stratégiques. Le service Achats pourrait ainsi contribuer : « Réduire les coûts des différentes prestations à bord ». Le service Technique Maintenance : « Augmenter les taux de rotation des avions ». La DAF : « Gérer les flux de trésorerie », cet objectif contribuant à dégager plus de cash pour acheter des nouveaux appareils moins gourmands en kérosène. En déclinant cet exemple, on comprend que ce n'est pas la stratégie qui fait la différence mais l'alignement des objectifs sur la stratégie.


Or, un focus quasi exclusif sur les résultats financiers immédiats risque de rendre des observateurs même avertis, myopes dans l'appréhension du positionnement stratégique à long terme de l'entreprise. Ce n'est pas le seul problème : l'objectif financier occupe la place qu'on veut bien lui laisser. Si la stratégie elle-même n'est pas claire pour tous, chaque métier sera tenté de fonctionner selon sa propre logique. Le seul langage commun sera alors … financier. Les entreprises se contentent de ces indicateurs comme signes de réussite. Cela se produit lorsqu'il existe une ambiguïté quant à l'orientation stratégique ou lorsque la direction n'a pas de vision cohérente de l'avenir de l'entreprise. Deuxième problème : la difficulté à traduire la stratégie en actions : même lorsqu'une stratégie est en place, les managers peuvent avoir du mal à la traduire en objectifs métier spécifiques et réalisables. Cela peut conduire à une dépendance aux objectifs financiers comme objectif principal des efforts entrepris. Troisième problème : dans les entreprises où différents départements fonctionnent en silos, la prise de décision est fragmentée. Cela entraîne un décalage entre les objectifs stratégiques de l'entreprise et les actions spécifiques des différents services. Le manque d'alignement entre les différentes fonctions empêche une compréhension commune des objectifs stratégiques. Les services peuvent alors hiérarchiser leurs objectifs financiers comme bon leur semble, ce qui conduit à un désalignement des efforts, qui compromet la stratégie globale !


Il ne s'agit évidemment pas ici de soutenir une thèse où les objectifs financiers disparaîtraient. Ils sont fondamentaux mais doivent toujours accompagner les objectifs stratégiques : la finance n'est qu'un moyen au service de cette fin. Il convient donc de lier les objectifs financiers à la stratégie. Par ex., au lieu de simplement annoncer qu'elle vise à doubler les revenus, l'entreprise doit identifier les mouvements stratégiques (l'expansion du marché, la diversification des produits) qui permettront cette croissance et comment ces mouvements impactent ses opérations. Lesquels se refléteront dans des indicateurs clés de performance (ICP) stratégique tels que la croissance des parts de marché, la satisfaction des clients, l'innovation et l'engagement des employés. Ceux-ci doivent compléter, plutôt que remplacer, les ICP financiers. C'est à partir de cette connaissance que les managers pourront ajuster leur pratique managériale. Ceci passe par l'amélioration de la planification de scénarios et l'exécution de l'un d'entre eux. Creuser ses implications permet de comprendre les changements organisationnels requis pour chaque choix stratégique, reliant ainsi la stratégie à l'action. Il s'agit d'alignement des ressources, des capacités et du leadership sur l'orientation stratégique de l'entreprise. Enfin, tout ceci ne sera possible qu'en développant une culture de réflexion stratégique et financière. Il s'agit d'investir dans des programmes de formation qui améliorent cette réflexion parmi les managers et les employés. Cela permet de constituer une main-d'œuvre qui comprend l'importance de la stratégie par rapport aux simples mesures financières.

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