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  • Photo du rédacteurErwan Hernot

Décider seul ne garantit pas toujours une bonne exécution


À quel niveau faut-il impliquer les collaborateurs, dans la prise de décision ? C'est un arbitrage entre deux options (ici poussées à l’extrême pour les besoins de la démonstration). D'une part, l'apparente rapidité du patron qui décide seul et dit aux gens ce qu'ils doivent faire, semble être l'efficacité même. D’autre part l'engagement élevé des collaborateurs, garantie d'une meilleure exécution de la décision, suppose un investissement conséquent au départ : partage d'information et de réflexions voire co-décision. Or, la décision solitaire et rapide n'est - souvent - efficace que dans des situations de crise. Le problème en tant que tel ne vient pas de la rapidité. Les équipes agiles sont fortement responsabilisées et prennent beaucoup de décisions au plus près du terrain (donc très vite), partant du principe que sur 100 petites décisions, 70 d'entre elles seront pertinentes. Le problème vient de la solitude du chef-qui-décide.


Le dirigeant, se croyant efficace en tant que seul décideur, n'intègre pas dans son raisonnement le fait que l’entreprise ne sera pas derrière la décision qu’il a prise. La raison en est simple : la moitié des gens ne savent pas pourquoi l'entreprise s'oriente dans cette direction, et l'autre moitié tire dans la direction opposée, intentionnellement ou non. Ce dirigeant accorde la priorité à la conformité : il essaie d’’aligner les parties prenantes en « vendant » la décision ...une fois qu'elle a été prise. Mais pour lui, l'alignement est un simple exercice de communication ou d’activation de la bonne incitation financière. À la clé une moindre pertinence dans les décisions. Ainsi, les spécialistes en organisation savent bien que plus un système est complexe, moins nous pouvons le contrôler. Les managers avertis délèguent alors la plupart des décisions aux membres de l'équipe. La délégation du contrôle lui même est une manière de ... contrôler les systèmes complexes. Avec ce principe, le manager descend les décisions et les responsabilités à un niveau où l’acteur a des informations moins globales et plus précises. D'une certaine façon, les managers comprennent qu'ils doivent prendre le moins de décisions possibles ! Ainsi déchargé des décisions déléguées à son équipe, le manager peut se concentrer sur l'optimisation du système (relations entre cette équipe et son environnement). Il peut encore assister, à leur demande, les équipes pour que ces dernières décident mieux. On sait aussi depuis l'enquête de Google en 2015 sur la performance des équipes que le point-clé, c'est la sécurité psychologique. Cette dernière démarre avec la capacité que se donne une entreprise , au minimum, d'écouter des avis divergents. C’est encore un des meilleurs moyens d'éviter les dénis de réalité. D'une certaine façon, il s’agit de cultiver une plasticité psychologique en s'entourant et en faisant parler des gens différents. Plus encore, les désaccords entre membres de l’équipe et entre les équipes se produisent naturellement. Il ne faut pas empêcher leur apparition. Ils sont source de créativité et permettent de bâtir des décisions plus robustes. Impossible pour un acteur de saisir seul, la totalité de l'environnement que l'on tente d'analyser. Même si ça paraît évident, les managers doivent le dire et le redire. Un débat vigoureux améliore la qualité des décisions. Au sein de toute organisation, ce sont généralement les mécontents et les rebelles qui sont les premiers, par exemple, à sentir la disparition imminente d'un modèle d'entreprise longtemps privilégié ou les premiers à voir la valeur d’idées nouvelles. Pourtant, ces acteurs sont plus souvent muselés qu'encouragés à s'exprimer.


D’autres dirigeants considèrent ce problème de l'alignement comme un problème d'implication. C'est le début d'une analyse pertinente qui conduit à une prise de décision plus aboutie parce que mieux exécutée. Si on schématisait une gradation dans l'implication des équipes à propos des décisions, la 1ère façon de faire se situe dans le bas de l’échelle. Dire à l’équipe « Voici ce que vous allez faire » est le niveau zéro de l’implication. Vendre (« C’est ce que vous allez faire, et voici pourquoi je pense que c'est une bonne idée. ») arrive ensuite. La recherche de conseils auprès de l’équipe permet une plus forte implication (qu'elle soit relativement faible « Voici ce que je pense que nous devrions faire ; comment pouvons-nous l'améliorer ? »ou plus prononcée : « Compte tenu des paramètres X, Y, Z ; où pensez-vous que nous devrions aller ? ») Enfin, la co-création commence par une feuille blanche, « Quels principes de base devraient guider notre direction, et quel avenir voulons-nous créer ensemble ? » Sur chaque problème important, les managers peuvent plutôt solliciter leurs subordonnés et collègues : « Où est-ce que j'ai tort ? Que ferais-tu différemment? Y a-t-il une option que je n'ai pas envisagée ? » Les meilleurs décideurs sont ceux qui ont le plus d'options sur la table avant de prendre la décision. Par extension les entreprises les plus adaptables seront celles qui encouragent les acteurs à exprimer des points de vue différents. Mais l'histoire ne s'arrête pas là et si l'on souhaite une décision efficace il faut alors aller au bout de la démarche. Décider avec la partie haute de l’échelle d’implication prend du temps : si on encourage les gens à parler, il faut en retour les écouter et parfois agir comme ils le préconisent en intégrant l’objection à la décision.


Attention ! Tout ça ne marche que si les équipes auxquelles on donne une autonomie de décision possèdent la compétence de ce niveau d'autonomie. En effet, Toutes les décisions managériales impliquent des compromis : la nécessité d'équilibrer des questions complexes et ambiguës qui génèrent des conflits politiques, c'est-à-dire des désaccords légitimes sur ce qui est le mieux pour l'organisation. À cet égard, il est fréquent que l'intégration des objections des différents interlocuteurs se fasse très mal. Rapidement, les protagonistes de la discussion vont se recentrer sur une logique basique consistant à défendre leurs propres intérêts et priorités. … Quand il faudrait faire exactement l'inverse. C'est-à-dire repartir des objectifs de chacun et chercher à les dépasser vers un objectif nécessairement commun. Créer une compréhension mutuelle devient un impératif qui conditionne les comportements. Par ex. en partageant les besoins, les objectifs et les jugements individuels tout au long de la réunion ; ce qui crée de la transparence et augmente la confiance du groupe dans la démarche de réflexion. Chaque membre de l'équipe doit être capable de comprendre et de réfléchir au point de vue de l'autre. Cela ne signifie pas qu'il soit d'accord avec cette opinion. Mais cette capacité d'expression facilite la collaboration et partant, l’innovation.


Photo : Alex Green

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