top of page
Photo du rédacteurErwan Hernot

Salaire de stars : parce que je le vaux bien ?


Performance : la star, c'est simple à comprendre
Salaire de star : la formule gagnante ?

La fable de la guerre des talents a la vie dure. La thèse peut-être résumée assez facilement : pour espérer battre ses concurrents, une entreprise doit auparavant attirer et de fidéliser le plus grand nombre possible de « stars » en les payant beaucoup plus que les autres employés. Des dizaines de résultats de recherche n'attestent pas cette thèse (1). Pourtant, la croyance selon laquelle payer les « stars » bien plus que les autres employés conduira à des performances supérieures de l'entreprise, persiste.


La persistance du modèle de la performance et de la compétence individuelle, est forte dans de nombreuses entreprises. Cette persistance tient d'abord à l'hypothèse largement répandue selon laquelle certaines personnes possèdent des capacités extraordinaires (possible), qui ont un impact considérable sur le succès d'une entreprise (contestable). Ce récit du « leader-ce-héros » est convaincant car il simplifie la complexité du succès organisationnel, nécessairement multi-factoriel, en quelque chose qui peut être attribué à quelques personnes exceptionnelles. Les dirigeants peuvent croire qu'en s'assurant de l'acquisition de ces stars - dont ils font partie - , ils obtiennent un avantage concurrentiel car leur présence est immédiatement perceptible. Elle conduit à des améliorations à court terme dans des domaines spécifiques, créant l'illusion que cette stratégie est efficace. Ces résultats immédiats sont souvent mis en avant par les promoteurs de cette stratégie, trop heureux de montrer qu'elle se couronne de succès. Les conséquences à long terme de cette dispersion accrue des salaires, comme la réduction de la coopération et du moral des autres salariés, sont négligées parce que plus subtils et plus difficiles à quantifier. Les stars sont créditées d'un succès qui est en fait le résultat d'un effort collectif, renforçant la croyance en leur valeur unique. Ce qui est simple s'illustre mieux. La glorification culturelle du succès individuel, en particulier dans des pays comme les États-Unis, renforce l'idée que les stars individuelles sont les moteurs du succès. Cet état d'esprit est profondément ancré dans les secteurs commerciaux et est souvent perpétué par des reportages médiatiques qui se concentrent sur les PDG, les entrepreneurs ou les employés vedettes qui ont réussi… sans mentionner les joueurs de football ou de basket ball. Une fois qu'une entreprise s'est engagée dans cette stratégie des « stars », elle a tendance à interpréter les résultats d'une manière qui justifie sa décision (biais de confirmation). Le succès est attribué aux stars, tandis que les échecs sont souvent imputés à d'autres facteurs. Cette interprétation sélective des résultats renforce la croyance en l'efficacité de la stratégie.


Pourtant, une faible dispersion des salaires est préférable :


En premier lieu parce que, dans les pratiques et recherches managériales, les recommandations et les exigences en faveur d’une pratique plus collective du travail et de la performance se sont concrétisées par des modalités variées – ingénierie concourante, projets collaboratifs, communautés de pratiques, management 2.0... – durant ces 20 dernières années. Elles se basent sur les travaux fondateurs d'ergonomes, qui depuis longtemps soulignent le caractère inévitablement collectif du travail. Que l'on parle de pérennité de l’organisation, d’efficience économique, de valeur des ressources humaines ou encore de légitimité auprès des parties prenantes externes à l'entreprise, la performance tient de la production collective.


Lorsque les différences de salaire sont relativement faibles, les employés sont plus susceptibles de coopérer et de travailler en équipe. Ils perçoivent l'organisation comme plus juste et sont plus disposés à partager leurs connaissances, à se soutenir mutuellement et à collaborer vers des objectifs communs. Ces entreprises retiennent plus facilement les compétences. En revanche, de larges écarts salariaux créent de la jalousie, du ressentiment et de la concurrence entre les employés, ce qui nuit au travail d'équipe. Des pratiques de rémunération équitables contribuent à améliorer le moral et la satisfaction au travail des employés. Lorsqu'ils ont le sentiment d'être rémunérés équitablement par rapport à leurs pairs, ils sont plus susceptibles d'être motivés. La pratique solidifie leur contrat psychologique (2) avec l'entreprise, améliorant encore leur engagement. À l'inverse, de grandes disparités salariales peuvent entraîner une insatisfaction, une démotivation et une augmentation du taux de démission du personnel, en particulier parmi les acteurs "non stars" qui se sentent sous-estimés.


Une structure de rémunération plus équitable permet de retenir un plus large éventail d'employés, pas seulement les stars. A l'inverse, une forte dispersion des salaires entraîne un fort taux de rotation des employés car ils peuvent partir pour des postes où ils se sentent mieux rémunérés. Ce taux de rotation élevé parmi les acteurs non stars est perturbateur (en terme de continuité de la mission) et coûteux (performance moindre, coûts accumulés des recrutements) car ces employés occupent souvent des rôles certes moins prestigieux mais essentiels au bon fonctionnement de l'organisation. Or, sans stabilité, difficile de construire dans la durée. Une entreprise avec une faible dispersion salariale a tendance à favoriser une culture de confiance et de respect mutuel. Les employés estiment que leurs contributions sont valorisées et que le succès est un effort collectif. Cela favorise une culture organisationnelle plus positive, qui, à son tour, améliore les performances globales. Sur le long terme, les recherches montrent que les entreprises avec des structures de rémunération plus équitables surpassent souvent celles qui ont de grands écarts salariaux. La clé finale de l'explication tient à ces mots "long terme" : tout dépend de la perspective que prennent les dirigeants.


(1) Maurice de Montmollin "L'intelligence de la tâche" (1984)

Denis Morin, André Savoie, et Guy Beaudin "L'efficacité de la supervision : Étude des pratiques de gestion des cadres de premier niveau" (1994)

Jeffrey Pfeffer et Robert I. Sutton The Knowing-Doing Gap (2000)

Edward E. Lawler III Rewarding Excellence: Pay Strategies for the New Economy (2000)

David A. Harrison and Katherine J. Klein Article: What’s the Difference? Diversity Constructs as Separation, Variety, or Disparity in Organizations (2007)


(2) Contrat psychologique : la somme des attentes mutuelles et implicites entre les deux parties salariés et employeurs.

0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page