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La collaboration au sein de l'équipe permet la réussite du projet

  • Photo du rédacteur: Erwan Hernot
    Erwan Hernot
  • il y a 14 minutes
  • 6 min de lecture


Collaborer c'est démultiplier plutôt qu'additionner.
La collaboration, clé du succès du projet

La complexité des projets actuels exige davantage qu’une addition de compétences techniques ; elle impose une orchestration fluide des intelligences. L'Agile a très vite pointé la collaboration pour réussir les projets. De son coté, Heidi K. Gardner parle de « Smarter Collaboration » (1) pour désigner cette capacité à mobiliser des expertises complémentaires au bon moment, au bon niveau, afin de résoudre des problèmes que personne ne saurait régler seul ; ses recherches démontrent qu’une telle approche accroît simultanément revenus, innovation et rétention des talents. Pourtant, dans de nombreuses organisations, la collaboration reste l’angle mort des pratiques de gestion de projet, prise en étau entre cultures hiérarchiques, silos fonctionnels et inertie des processus. Comment, dès lors, transformer une équipe éphémère en creuset de créativité collective ? C'est le sujet de ce papier.


Comprendre la mécanique d'une collaboration efficace suppose d’abord d’accepter qu’elle repose sur un socle psychologique : la sécurité qu’éprouvent les membres à exprimer une idée non aboutie, à reconnaître une erreur ou à questionner un dogme. Amy Edmondson (2), qui a popularisé le concept de « psychological safety », rappelle que l’innovation jaillit lorsque l’on peut prendre des risques interpersonnels sans craindre la stigmatisation ; ses travaux montrent qu’un tel climat est le prédicteur numéro un de la performance d’équipe dans les environnements incertains(American Psychological Association). Le chef de projet devient donc une sorte d'architecte d’espace relationnel : il cadre la finalité, clarifie les contributions attendues et, surtout, régule les interactions pour que la confiance reste supérieure au risque perçu.


Pour illustrer la puissance de cet état d’esprit, observons l’équipe qu'on nommera « Polaris », chargée de concevoir un service de maintenance prédictive pour un constructeur industriel. Dès le lancement, la cheffe de projet, Anisa, réunit ingénieurs, data scientists, commerciaux et experts terrain autour d’un récit commun : « Nous voulons détecter les pannes avant qu’elles n’enrayent la production de nos clients ». Chaque atelier commence par un tour de table où l’on partage obstacles et hypothèses ; l’écoute active est ritualisée : on reformule, on questionne, on relie l’intervention au but final. Lorsque Miguel, technicien site, exprime ses doutes sur la fiabilité des capteurs, Emma, data scientist, propose de venir deux jours sur le terrain pour confronter ses algorithmes à la réalité. Cette coprésence déclenche une série d’ajustements qui réduisent de 30 % le taux de fausses alertes. Dans « Polaris », la règle implicite est claire : chacun accueille la perspective de l’autre comme une pièce manquante du puzzle. Les désaccords sont fréquents, mais ils se déroulent sur le terrain des idées, jamais sur celui des personnes. La confiance ainsi tissée permet, quatre mois plus tard, un prototype fonctionnel livré avec trois semaines d’avance ; le client signe un contrat cadre. Quelles compétences relationnelles distinguent alors « Polaris » ? On repère la curiosité systématique – exprimer un « Dis-m’en plus » au lieu d’un « Ce n’est pas notre périmètre » –, l’empathie cognitive qui aide à traduire un jargon métier en bénéfice commun, et la capacité à pratiquer le désaccord constructif : contester une solution tout en confirmant la valeur de la personne qui la propose. Cette combinaison incarne ce que Gardner nomme « le capital social délibéré » : un investissement dans les liens qui fait du collectif un multiplicateur plutôt qu’un simple additionneur de talents.


Passons maintenant dans l’équipe, qu'on nommera « Segmenta », missionnée pour déployer un nouveau module financier dans un groupe de distribution. Le kick-off se déroule en visioconférence, chacun présente son rôle, puis repart vers ses échéances individuelles. Le développeur se réfère exclusivement au cahier des charges, le responsable contrôle de gestion ne partage ses données qu’en fin de trimestre, le marketing ignore les alertes sur les risques de conformité. Quand survient un blocage sur l’intégration des données fournisseurs, personne ne se sent légitime pour alerter hors de son domaine. Le retard s’accumule, la frustration monte et les réunions se réduisent à un échange de justifications défensives. Au bout de six mois, le projet accuse deux paliers de version de retard. Le client menace de pénalités et l’équipe implose dans un jeu de blâme croisé. Pourquoi la cheffe de projet, Clara, n’a-t-elle pas réussi à inverser la spirale ? Elle possède la maîtrise des plannings mais pas la compétence de « facilitation relationnelle ». Elle n’a pas formulé une vision vécue comme commune ; elle n’a pas instauré de rituels de partage d’apprentissage ni clarifié les règles du débat. Surtout, elle n’a pas protégé la prise de risque intellectuel ; toute divergence passait pour une contestation de l’autorité, car la culture d’entreprise valorisait la conformité et le temps facturable plus que le raisonnement collectif. Le résultat confirme le constat de Gardner : plus que le quantum de ressources, c’est la qualité des interactions qui détermine la valeur dégagée par un projet ; sans architecture collaborative, la somme des spécialistes devient un conglomérat coûteux.


L’écart entre « Polaris » et « Segmenta » met en lumière quatre leviers sur lesquels tout chef de projet peut agir, même dans une culture peu propice. Le premier consiste à narrer une vision finalisée ; selon l’adage, « les objectifs partagés sont le socle des compromis intelligents ». Le second relève de la structuration du dialogue : instaurer des points de synchronisation courts, fréquents, où l’on examine tant les faits que les hypothèses ; un simple « daily stand-up » suffit souvent à aligner les perceptions et à détecter les blocages avant qu’ils ne deviennent des murailles. Le troisième levier touche aux règles d’engagement : définir dès le départ comment on s’oppose, comment on décide, comment on alimente la mémoire collective. Le quatrième, enfin, concerne la reconnaissance ; célébrer un succès collaboratif, c’est signaler la norme ; récompenser uniquement les exploits individuels, c’est saper cette norme.


Attention toutefois au « côté obscur » de la collaboration : l’hyper-sollicitation, la dilution de responsabilité, la surcharge cognitive. Le projet hautement collaboratif n’empile pas les participants ; il assemble temporairement les expertises pertinentes et les libère dès que leur valeur marginale décroît. La tâche du chef de projet consiste donc à articuler un réseau dense au cœur du sujet et à en contrôler la porosité périphérique. Ici encore, la clarté de la mission et la discipline dans la prise de décision évitent le piège d’un bavardage sans but.


Reste la question de la culture. Dans une entreprise où la hiérarchie valorise la conformité, le chef de projet doit créer une « micro-culture » (3) à l’intérieur du périmètre projet : un îlot qui prouve, par les résultats, la pertinence de la collaboration. Les recherches montrent que l’impact se mesure rapidement : chiffre d’affaires incrémental, marge supérieure, satisfaction client accrue ; ces métriques, communiquées tôt et fort, transforment l’exemplarité locale en argument stratégique. Elles permettent ensuite de négocier plus d’autonomie et de ressources pour les équipes suivantes.

En définitive, cultiver l’esprit de collaboration n’est ni un luxe ni un supplément d’âme ; c’est la réponse la plus rationnelle à la complexité des problèmes contemporains. L’équipe « Polaris » démontre qu’une vision partagée, ritualisée par des interactions sécurisées, démultiplie la vitesse et la pertinence de la solution. L’équipe « Segmenta » rappelle qu’aucun niveau d’expertise ne compense l’absence de relation. Entre les deux scénarios, il y a la main du chef de projet : s’il sait architecturer la confiance, arbitrer les priorités et célébrer les liens autant que les livrables, il transforme la diversité en avantage concurrentiel. Faute de quoi, la diversité reste un inventaire de différences inutilisées, alimentant frustrations et surcoûts. Favoriser un esprit de collaboration revient donc à décider, chaque jour, que la relation est un investissement productif, pas un supplément de réunion ; c’est choisir de faire de l’équipe le lieu où la connaissance se rencontre, se contredit et, finalement, s’améliore. À l’heure où les organisations cherchent à innover plus vite tout en préservant l’engagement des talents, ce choix n’est plus seulement vertueux ; il est vital.


(1) Heidi K. Gardner, Smarter Collaboration, 2022

(2) Amy Edmonson, The Right Kind of Wrong, 2023

(3) Les spécialistes de la culture organisationnelle décrivent depuis longtemps la coexistence de sous-cultures : People Matters, dans une synthèse récente, compare l’entreprise à une forêt dont chaque clairière possède sa faune et ses règles propres ; ces micro-écosystèmes naissent d’un mélange de valeurs partagées, d’expériences communes et, surtout, de styles de leadership locaux qui « sculptent » des normes différentes de celles du reste de l’organisation. https://www.peoplemattersglobal.com/article/culture/how-do-microcultures-influence-organisational-culture-42796



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