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Reprendre une équipe : une gageure ?

Photo du rédacteur: Erwan HernotErwan Hernot

les étapes de la formation d'une équipe
Reprendre une équipe sans repartir de zéro !

Prendre la tête d’une équipe existante représente un passage délicat pour tout manager. Que l’on soit promu en interne ou nouvellement recruté, la mission implique de s’adapter à un contexte préexistant, d’hériter d’une histoire, de pratiques, d’habitudes ancrées et d’entrer dans un groupe qui a ses propres codes, des normes implicites, des routines et des règles non écrites sous l’influence de son ancien manager. Le nouveau perturbe en effet l'équilibre précédent et déclenche une reconfiguration des dynamiques de groupe. Pour autant, savoir si l'équipe repart totalement de zéro (étape Formation du schéma) ou peut conserver des acquis de la situation précédente (et redevenir vite Performante si elle l'était déjà) dépend de plusieurs facteurs, notamment la maturité de l’équipe, sa cohésion et le style du nouveau manager. Tel est le sujet de ce papier.


Le départ du précédent manager supprime un point de repère clé. Les membres de l’équipe ressentent alors une incertitude : le nouveau manager va-t-il maintenir les processus existants ? Va-t-il imposer un changement de culture ? Cela entraîne une réévaluation des dynamiques de pouvoir et des rôles, même si la composition de l’équipe reste inchangée. C'est la force de cette incertitude qui rend déterminante la première impression que donnera le nouveau manager. Lorsqu'il prend la tête de sa nouvelle équipe, ses collaborateurs l'évaluent immédiatement : son attitude, ses paroles, ses gestes, la façon dont il se présente et interagit. Il s’agit d’un moment critique, car sa crédibilité initiale est proche de zéro. Personne ne le connaît réellement, ni ne sait ce qu'il vaut professionnellement. Par ex. : imaginons un manager qui débute sur un nouveau poste et, dès le premier jour, enchaîne les critiques sur les méthodes de travail actuelles, remet en cause les décisions de l’ancien manager et propose d'emblée une série de changements radicaux. Cette attitude brusque crée aussitôt un climat de suspicion, même si l'ancien manager n’était pas apprécié. Les collaborateurs, pris de court, se demandent : « Qui est-il pour juger si vite ? Connaît-il vraiment nos contraintes ? Nos clients ? Nos projets en cours ? » Cette erreur tactique nuit à la crédibilité du nouveau manager et freine toute adhésion future.


Coté nouveau manager, avant de prendre une quelconque décision, il est essentiel de consacrer du temps à l’observation et à l’écoute. Cette phase peut être plus ou moins longue selon l’urgence du contexte, mais elle ne doit jamais être négligée. Le but est de cerner la réalité du terrain, d’identifier les compétences clés de chaque collaborateur, de comprendre leurs difficultés, leurs modes de fonctionnement, leurs succès passés et leurs échecs. Par ex. durant les premières semaines, le nouveau manager peut organiser des entretiens individuels informels avec chaque membre de l’équipe. Il s’agira de poser des questions ouvertes : « Quels sont vos principaux enjeux au quotidien ? Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ? Quels sont les points de blocage actuels ? Quelles améliorations souhaiteriez-vous voir ? » Ce type de questionnement démontre au collaborateur que le manager s’intéresse réellement à sa situation et reconnaît son expertise. Cela permet aussi au manager de collecter des informations précieuses, d’identifier des talents cachés, des freins récurrents et de comprendre l’histoire de l’équipe. Coté équipe, elle ne revient pas totalement à la phase initiale de Formation, où les membres sont des inconnus qui cherchent à comprendre leur environnement. Elle entre plutôt dans une phase de transition, mêlant Formation et Turbulence, où les membres testent les attentes, le style et la vision du nouveau manager. Mais s'il impose des changements radicaux, remet en cause les normes existantes ou peine à établir sa crédibilité, l’équipe peut traverser une phase de Turbulence plus marquée. Certains membres expriment une résistance, surtout s’ils étaient à l’aise sous l’ancienne direction. Des leaders informels peuvent remettre en cause l’autorité ou la légitimité du nouveau manager. Il existe un risque de polarisation : une division entre ceux qui acceptent le changement et ceux qui s’y opposent.

  • A priori positifs : certains collaborateurs peuvent avoir entendu parler du nouveau en bien (s'il était déjà dans l’entreprise) ou être naturellement optimistes. Mais ils nourrissent des attentes élevées, imaginant déjà des améliorations notables. Le risque, en cas d’écart entre leurs espoirs et les premières actions du manager, est la déception, qui peut être d’autant plus forte qu’ils espéraient beaucoup.

  • A priori négatifs : d’autres collaborateurs peuvent être méfiants, résignés, ou redouter un changement en profondeur. Ils peuvent se montrer sceptiques, hostiles, ou résister à toute nouvelle initiative. Dans ce cas, vouloir imposer ses idées trop rapidement ne fera que renforcer leurs craintes.

  • Absence provisoire d’a priori : enfin, certains collaborateurs n’ont pas d’opinion préconçue. Ils seront très attentifs aux premières mesures. Le moindre signe, positif ou négatif, influera fortement sur leur perception.


Quelle que soit la nature de ces a priori, la tactique du manager doit être la même : comprendre, ne pas juger trop vite, ne pas promettre l’impossible (même - et surtout - si on veut bien faire), et avancer de façon cohérente et progressive. Au lieu d’annoncer dès le premier jour un plan d’action ambitieux et complexe, le manager pourrait plutôt commencer par reconnaître le travail déjà accompli par l’équipe, souligner ses points forts et montrer qu’il comprend les difficultés rencontrées. Un discours tel que : « Je sais que votre précédent manager a lancé des projets importants, j’aimerais d’abord les étudier plus en détail avec vous, pour voir comment les consolider ou les faire évoluer » rassure les collaborateurs, qu’ils soient méfiants ou enthousiastes. La crédibilité d’un nouveau manager se construit sur la durée, grâce à la cohérence entre son discours et ses actes et grâce à sa capacité à prendre en compte la réalité du terrain. Les collaborateurs accordent leur confiance à ceux qui démontrent une compréhension profonde de leur situation et qui formulent des actions pertinentes. Si un manager identifie que l’équipe souffre d’une surcharge de travail, que les priorités sont mal définies et qu’un planning plus clair aiderait, il peut proposer rapidement une mesure simple et concrète. Par ex., mettre en place une réunion hebdomadaire courte (30 minutes) pour définir les priorités de la semaine, clarifier les responsabilités et éviter les doublons. Une telle action, en apparence modeste, montre que le manager a entendu les difficultés, propose une solution pragmatique et mesurable et s’attaque à un problème concret plutôt qu’à des principes abstraits. Les collaborateurs sont sensibles aux premières mesures concrètes. Par ailleurs, ils n’acceptent de se réorganiser ou de modifier leurs pratiques que s’ils se sentent compris. C’est donc au manager de prouver qu’il connaît la réalité du terrain, les contraintes des clients, la complexité des processus internes. Par ex. un manager fraichement nommé dans une équipe de production constate que les délais de livraison sont serrés. Avant de demander aux opérateurs d’accélérer leur cadence, il prend le temps d’observer la chaîne de production, de discuter avec les techniciens, de comprendre pourquoi certains postes sont des goulots d’étranglement. Ce n’est qu’après avoir saisi les difficultés (matériel vieillissant, formation insuffisante sur une machine complexe) qu’il propose des ajustements. Les collaborateurs, voyant que le manager a cherché à comprendre les conditions réelles de travail, seront plus enclins à faire des efforts.


Les collaborateurs, par nature, s’appuient sur le passé car ils savent ce qui a été et ignorent ce qui adviendra. Le changement est insécurisant. En tant que nouveau manager, il est important de respecter ce besoin de stabilité. Pour faire évoluer l’équipe, le manager introduit des changements de façon progressive et surtout, démontre en quoi ces changements seront bénéfiques. Par ex. si un manager souhaite passer d’un mode de communication purement oral à un outil de gestion de projet collaboratif, il sera plus facile d’en faire l’adoption progressive. D’abord, démontrer les bénéfices : gain de temps, réduction des mails redondants, meilleure traçabilité. Ensuite, accompagner l’équipe dans la prise en main du nouvel outil, offrir une formation courte et rester disponible pour répondre aux questions. Cette approche progressive et pédagogique réduira les résistances.


Finalement, la réussite c'est d'assurer une transition plutôt que de subir ou provoquer un retour en arrière total. Le principal défi pour le nouveau manager est d’accélérer cette transition vers la Normalisation et la Performance, en maintenant une certaine stabilité tout en gagnant progressivement la confiance et sa crédibilité. Cette dynamique est cruciale dans des environnements où la continuité de la performance est essentielle, comme dans des projets à forts enjeux ou des équipes spécialisées. Réussir la reprise d’une équipe est un exercice de finesse et de maturité managériale.


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