Le recrutement stratégique est un acte de management et de leadership
- Erwan Hernot
- 6 juin
- 4 min de lecture

S'il est rare que 2 plumes de ScoRH s'associent sur un article, tel est pourtant le cas détaillé dans ce papier. Dans un marché du travail de plus en plus tendu, où les canaux de recrutement se multiplient — LinkedIn, jobboards, cooptation, IA — tout semble équivalent. Pourtant, cette apparente égalité masque une vérité fondamentale : certains profils rares et décisifs ne se conquièrent pas par des outils, mais par une dynamique humaine exigeante. Pour ces profils, la chasse de tête reste l’outil le plus pertinent — à condition qu’elle soit orchestrée comme un véritable acte de management stratégique par les dirigeants métier eux-mêmes. Prenons le cas du recrutement du dirigeant de l'équipe Corporate Broking, mission menée pour le compte de l’un des plus gros Equity Brokers européens. Ce recrutement n’a pas été « délégué » : il a été porté et conduit par les opérationnels de haut niveau, de la définition du besoin jusqu’à l’intégration du candidat. Cette implication directe ne relève pas d’un simple souci de contrôle. Elle incarne une double responsabilité : manager l’exécution avec exigence et incarner le leadership du projet auprès des candidats.
Piloter le recrutement comme un projet à haute valeur ajoutée
La première étape – cadrer la mission – montre d’emblée la posture de manager de projet adoptée par le dirigeant. Il ne s’agit pas de recevoir un brief RH formaté, mais de co-construire avec le consultant du cabinet de chasse, un cahier des charges vivant, aligné avec les ambitions business. Le dirigeant partage sa lecture du marché, sa vision de l’équipe, les critères de succès à 12–18 mois. Ce moment d’échange donne un cap clair au consultant, tout en instaurant un niveau de précision qui garantit la pertinence du ciblage. En agissant ainsi, le dirigeant manage une ressource externe (le chasseur de tête) comme un partenaire stratégique, en lui apportant la profondeur métier nécessaire. Ce n’est pas de la sous-traitance, c’est un pilotage exigeant, qui engage l’opérationnel dans une logique de résultat.
Approche directe : exécution ajustée, gouvernance partagée
Lors de la phase de ciblage et d’approche, la collaboration étroite entre consultant et dirigeant fait la différence. Les échanges réguliers permettent des ajustements continus, une réactivité dans les choix, et une adaptation permanente au contexte concurrentiel. Le dirigeant ne délègue pas l’action, il co-pilote l’exécution. Ce faisant, il maximise la pertinence des profils approchés, optimise le taux de retour des candidats, et donne au cabinet les moyens d’agir avec finesse et efficacité. C’est bien un acte de management en temps réel : le dirigeant organise le cadre, fournit les arbitrages, agit comme référent de la dynamique.
Leadership projeté : attirer par la vision, convaincre par l’engagement
Mais le rôle du dirigeant ne s’arrête pas à l’optimisation du processus. Il entre pleinement dans une logique de leadership, notamment dans la manière dont il informe, inspire et motive les candidats. Lors des premiers échanges, le consultant ne se contente pas de lire une fiche de poste. Il relaie une vision portée par le dirigeant, avec des éléments concrets issus du terrain, des ambitions claires, un projet à fort potentiel. Cette capacité à mobiliser une narration ancrée dans la réalité crée une forte adhésion des candidats. Plus encore, le dirigeant est le premier à rencontrer les candidats. Pas pour valider un CV, mais pour initier une conversation stratégique. Ce n’est plus seulement du recrutement : c’est du leadership incarné, où le dirigeant porte personnellement l’ambition du poste et crée une relation d’égal à égal avec le candidat. Il devient le vecteur de l’attractivité de l’entreprise.
Réactivité, personnalisation, engagement : une signature managériale
Le processus d’entretien, puis de décision, est marqué par la rapidité et la clarté des échanges. C’est une marque forte de professionnalisme managérial, qui sécurise les profils rares. La construction de l’offre est également un moment clé de leadership personnalisé. Elle est co-construite par le dirigeant et le consultant, sur-mesure, ajustée aux attentes exprimées et aux signaux perçus. Elle montre que chaque détail compte, et que le candidat est véritablement désiré, non standardisé. Enfin, l’intégration du nouveau collaborateur est pilotée comme une séquence stratégique à part entière. Le dirigeant organise les premières rencontres, introduit le nouvel entrant dans les circuits clés, veille à sa reconnaissance symbolique et opérationnelle. Il continue d’exercer son rôle de manager et de leader au-delà de la signature. La DRH, loin d’être effacée, agit en soutien fonctionnel intelligent. Elle structure le cadre juridique, accompagne l’intégration culturelle, assure la qualité contractuelle. Mais elle ne prend pas la main sur la relation candidat-consultant-dirigeant : elle la facilite. Ce respect des légitimités mutuelles constitue un modèle vertueux de subsidiarité.
Ce cas le démontre : le recrutement stratégique n’est pas un acte administratif ou accessoire. C’est un acte de management dans sa capacité à structurer, piloter, exécuter avec rigueur. C’est un acte de leadership, dans la manière d’inspirer, de communiquer une vision et de créer l’adhésion. Dans un monde de talents rares et de transformations rapides, les entreprises qui réussissent sont celles où les dirigeants savent recruter comme ils pilotent : avec exigence, intelligence et engagement.
Guillaume Thyss Erwan Hernot
Directeur Associé Arrowman Finance Executive Search Associé ClavaConsulting
Membre de ScoRH Membre de ScoRH
photo : freepik.
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