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Photo du rédacteurErwan Hernot

Dans la transformation numérique, le management est à la traîne

L’abandon du management traditionnel comme une partie clé de la transformation digitale était annoncé. Est-il pour autant réalisé ? Non. Reprenons.



La pression concurrentielle s’est accrue, tirée par la globalisation et de nouveaux acteurs aux modèles plus agiles et disruptifs. Ils se positionnent sur les marchés des acteurs traditionnels mettant sous tension leurs 3 modèles opérationnel, d’affaires et managérial. Ils déplacent la valeur vers de nouveaux biens et services. Ainsi la comparaison entre Uber, Amazon, Airbn’b, Facebook etc. et leurs concurrents traditionnels (taxis, commerce de détail, hôtellerie ou médias) se fait au détriment des seconds. Ils n’apparaissent que comme de simples éléments de quelque chose de bien plus grand : l’optimisation des marchés par et sur les plateformes. Les acteurs traditionnels, pour continuer à exister, se sont lancés dans la transformation digitale. Les 3 modèles doivent évoluer pour tirer partie des opportunités offertes par les technologies numériques. Nous sommes dans les années 2014/15/16.


Aujourd’hui, le modèle d’affaires fait évoluer la proposition de valeur client : multiplication des canaux (site Web, application pour mobile, réseaux sociaux, magasin physique), produits qui deviennent des solutions (produits + “couche” logicielle). Les fréquentations des plateformes génèrent des données éclairant l’expérience client. Cette dernière doit être harmonisée, quelque soit le canal.

Le modèle opérationnel inclut les finances, la production, la logistique et les processus RH, juridiques. Il voit maintenant s’étendre la RPA (1) avec renforcement de l’adaptabilité des processus grâce à des intelligences artificielles “étroites” (“narrow AI”), au développement de l’internet des choses (capteurs générant de la donnée sur quasiment tout ; des chaînes de production, aux produits eux mêmes en passant par les bâtiments) et au traitement des données générées.

Les modèles d’affaires et opérationnel sont “work in progress”.

Le modèle managérial est à la traîne. Il supposait la mise en mouvement cohérente de ses différentes composants : la mission (ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons), la stratégie (comment nous agissons pour atteindre nos objectifs), la structure (comment nous agençons l’ensemble des fonctions et des relations), le management des collaborateurs proprement dit (comment nous favorisons les performances des équipes par nos façons de diriger et nos systèmes d’incitation). Plusieurs raisons éclairent ce retard :


  • Le manque de compréhension des changements à venir, les contraintes de ressources et les pressions à court terme sur la rentabilité. Les impacts du numérique n’ont pas toujours été pensés/discutés/partagés au delà et surtout actés dans le périmètre managérial. Résultat : l’agilité managériale n’est pas au rendez vous. Les dirigeants s’en plaignent …alors que leurs arbitrages sont prioritairement financiers. Cette logique maintient le statu quo organisationnel. Le management Command & Control est toujours là et recourt alors à ses 2 moyens habituels pour tenter la transformation numérique : la coercition - via plus d’indicateurs et de reportings - et l’injonction, que l’on retrouve par exemple dans les « valeurs » dorénavant “digitales”.


  • Les silos existent toujours et partagent peu d'informations. Ils sont souvent en “guerre” et intègrent peu la logique et les process des autres. Un exemple : il y a moins de valeur générée pour les clients sans le rapprochement de la vente et des services opérationnels. Leurs priorités ne sont souvent pas les mêmes. Lors de ventes en mode solution, les commerciaux cherchent la plus grande personnalisation possible pour être au plus près des besoins de leurs clients. Les services opérationnels sont plus préoccupés par l'efficacité et la rationalisation, qui s'accordent mal avec l'individualisation des offres. Personne n’a négocié de définition COMMUNE de l'expérience client dans l’entreprise (2).


  • La prise de décision est longue ou ne se fait pas au niveau pertinent par manque de responsabilisation des collaborateurs. Il y a évidemment des décisions nécessitant du temps. Mais si la lenteur est causée par un manque de clarté (qui doit décider ?) ou au contraire un décideur unique en haut de la pyramide, ou encore par une faible compréhension de la stratégie et donc des priorités, elle endommage les relations clients. Les réunions sont trop nombreuses. Elles témoignent d’un manque de fluidité entre les différents départements. Elles ne sont pas suffisamment ciblées sur un objectif et occasionnent perte de temps et de productivité. Quand on ne sait pas qui est responsable, tout le monde le devient et est invité à la réunion ;) Ajoutez la hiérarchie pyramidale : le collaborateur est présent à la réunion mais ne peut pas décider au nom de son service. La réunion en suppose donc une autre, à un autre niveau…


  • La logique de la hiérarchie pyramidale entraîne encore une surcharge de courriels et une perte colossale de temps. Un pourcentage considérable de ces messages ne servent qu’à “se couvrir”.


Il va pourtant falloir passer à la vitesse supérieure dans le modèle managérial. C’est ce que propose le management Agile, basé sur des principes simples : faire confiance, responsabiliser, prendre des décisions au plus près du client interne comme externe, dans un cadre défini, partagé, connu de tous. Il vise 4 objectifs :


  1. “La structure sert le client” plutôt que “Le client se plie à la structure”. Cette structure est revue en découpant l'expérience client. Les équipes marketing online, off line et ventes sont structurées par les étapes de l’expérience client, par exemple l’étape “Présenter le produit”. Elles se subdivisent elles mêmes en unités plus petites par exemple «Personnaliser le choix du produit». Les équipes systèmes technologiques se structurent de même, les processus métiers également. La structure mélange ainsi les professionnels plutôt que de les cloisonner dans un organigramme traditionnel. Penser en de tels termes rapproche chacun des problèmes qu’il est pertinent de traiter en priorité. Cette solution repère facilement les contraintes et rend visible la qualité des contributions plutôt que le statut des contributeurs. Lesquels mobilisent facilement les ressources. Les process s'alignent à la stratégie et facilitent la collaboration inter département, les partages d'information et de pratiques.

  2. Connaître le projet, en comprendre les enjeux pour agir. L’agilité, ça commence par expliquer aux équipiers, quelque soit leur niveau, les enjeux business de l’entreprise. Cette connaissance n’entraînera pas forcément la fameuse’”adhésion” mais au moins une discussion autorisant chacun à s'exprimer avant d'obtempérer. Comprendre permet d’aller au delà de l’effort “Je fais bien mon métier” vers “ Je satisfais le client”. Cette compréhension de la stratégie dote en outre, chacun de critères pour sa prise de décision. Les systèmes d’incitation se coordonnent. Certains KPI (3) demeurent spécifiques mais globalement, les primes et la rémunération variable sont basées sur des objectifs communs.

  3. Faire collaborer les différents acteurs. La diversité des talents comble les lacunes en matière de compétences. Cette convergence améliore les profits et, souvent, réduit les coûts. Chaque département connaît le travail et les enjeux des autres services. Plusieurs entreprises incitent leurs salariés à travailler un temps dans d'autres départements afin de découvrir leur fonctionnement et avoir une vue d'ensemble. Inclure ses clients au sein d'une équipe interne permet à chacun d'exprimer ses besoins, ses attentes, ses limites, et de travailler ensemble à une solution qui satisfasse tout le monde. Par exemple dans le BtoB, mettre les équipes de back office en contact direct avec les clients au travers de réunions, permet de mieux comprendre leurs attentes et aux clients d'avoir une vision nuancée (plus technique et moins commerciale) de leurs fournisseurs.

  4. Supprimer constamment les frictions à la collaboration : chaque semaine (ou chaque jour comme dans le développement informatique) des briefings dans chaque équipe pluridisciplinaire signalent les blocages. Ils sont immédiatement remontés à l'équipe - pluridisciplinaire - des managers. Ils sont gérés à ce niveau ou “escaladés” au niveau supérieur dans l’heure. Deux heures plus tard, chaque équipe connaît ses arbitrages et organise elle même sa semaine. Cette autonomie renforce l’équipier dans son caractère d’acteur : il peut effectivement agir. C’est pour lui, une source de motivation voire d’engagement (= motivation + imagination à trouver une solution).


Il faut impérativement faire évoluer les 3 modèles business, opérationnel et managérial ensemble, sinon c’est l’échec de la transformation numérique.


(1) Robotic Process Automation.

(2) Aligning sales and operations management: an agenda for inquiry, Journal of Personal Selling & Sales Management (2018) Deva Rangarajan (Ball State University), Arun Sharma (University of Miami), Bert Paesbrugghe (IÉSEG) & Robert Boute (Vlerick Business School).

(3) Key Performance Indicators, Indicateurs clé de performance.


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